Cette semaine dans la weeknote, on va parler d'activisme sacré, de trauma collectif et de tribus de coeur <3
En début de semaine, je me suis immergée dans le travail de Thomas Huebl et de sa pratique de "collective trauma". Plus je travaille sur le changement systémique et comment nous pouvons transformer radicalement le fonctionnement de notre société, plus je suis forcée de creuser à la racine des obstacles qui semblent bloquer beaucoup de nos initiatives. Parmi ces obstacles, il y a les conflits qui se répètent à l'intérieur même de nos mouvements de transformation, la peur de ne pas savoir changer, la peur de ne pas survivre dans un monde transformé, la peur que celles et ceux qui ont été lésé.e.s jusque là souhaitent se venger...L'une des racines à laquelle je suis arrivée est la suivante: nous agissons depuis un espace de trauma.
Dans l'incertitude ou l'inconfort de la période actuelle, ce sont souvent les parties de nous traumatisées qui réagissent. Il y a donc un travail de guérison des traumas profond à mener, et bien que nous puissions traiter une partie de nos traumas personnels individuellement, nous avons également besoin de travailler nos blessures collectives ensemble. C'est avec ce constat que je me lance dans la formation de 4 mois à cette pratique et qui me fait déjà travailler sur ma propre capacité à être présente, en cohérence avec les différentes parties de moi, pour pouvoir avoir plus de sur les parts de moi non intégrées, c'est-à-dire celles qui n'ont pas encore digérées certains traumas et qui réagissent de manière démesurée dans certaines circonstances.

Et parce que je m'implique principalement dans des mouvements sociaux liés à l'environnement et à notre réconciliation avec le reste du vivant, je m'intéresse principalement à comment nous pouvons aller guérir ces traumas au sein des mouvements environnementaux. J'ai eu la chance d'être sélectionnée pour participer au groupe de recherche "Climate change and collective trauma" qui réunit des personnes à travers le monde pour mener des recherches autour de ce sujet. J'espère pouvoir bientôt vous en dire plus sur nos premiers échanges et apprentissages.

Je commence enfin à m'impliquer localement dans le groupe d'Extinction Rebellion Vallée de la Drôme qui prépare une conférence "En route vers l'extinction et comment faire pour l'empêcher", ça me permet d'en apprendre plus sur les enjeux et luttes locales, et notamment le collectif la tulipe sauvage qui se mobilise pour protéger les terres agricoles de la plaine de Chamarges et éviter leur bétonisation. J'avais participé à une action sur cette même problématique au triangle de Gonesse, dans la région parisienne. Autour de Paris se trouvent parmi les terres les plus fertiles de France, malgré tout, elles continuent à être urbanisées. Au triangle de Gonesse, la mobilisation citoyenne a fonctionné et a permis de stopper le projet Europacity (zone commerciale et piste de ski en intérieur...).

Cette semaine, l'inspirante Odile Chabrillac m'a invité sur son live instagram pour qu'on discute activisme sacré. C'était un plaisir de parler de comment nous pouvons réconcilier en nous les parties activistes et les parties spirituelles pour nous engager pour le monde avec justesse.
Suite à cet instagram live, beaucoup de nouvelles personnes ont commencé à suivre mes partages. C'était touchant et excitant, mais c'était aussi un défi pour moi. Comment m'assurer que ce que je partageais allait plaire? Il se trouve que cette semaine se discutait une loi liberticide à l'Assemblée nationale, loi dite "de sécurité globale" et qu'il était important pour moi de parler du contrôle nécessaire des actions de la police par la presse, contrôle limité grandement par l'amendement 24 de cette loi. Me voilà donc gagnée par le doute: "Est-ce que ce partage n'allait pas agresser ces nouvelles personnes qui me suivaient et étaient sûrement davantage intéressées par la partie sacrée?", "Est-ce que je n'étais pas encore la fille un peu trop vénère? Un peu trop politique?"
C'est intéressant pour moi de voir que l'activisme sacré est vraiment un chemin, une pratique. De trouver toujours le juste milieu entre ces deux polarités. Un travail de réconciliation à l'intérieur de soi des jugements que l'on porte sur des parties différentes de soi...sans trop projeter sur les autres des réactions qu'ils n'auront très certainement pas.

Mercredi soir, j'ai participé à l'atelier "Meet the moment: a conscious use of power" organisé par The inner activist sur la plateforme de ST Ethelburga's, Centre for Reconciliation and Peace. Pendant cet atelier de 3h, nous avons exploré ensemble nos rapports spécifiques au pouvoir et comment ceux-ci définissaient nos identités. Nous avons pris conscience de nos privilèges au niveau global, notamment pour ma part les privilèges liés à ma race, mon niveau d'étude, ma classe sociale, mon âge, mon orientation sexuelle...Nous sommes aussi allé voir comment, à un niveau plus local, nous interagissions avec le pouvoir dans notre vie professionnelle, familiale, nos territoires...C'est un atelier qui m'a ouvert les yeux sur les nombreux espaces dans lesquels j'avais du pouvoir, voir j'avais LE pouvoir. Alors que je me sens souvent impuissante, cet atelier m'a permis de prendre acte de mes espaces de pouvoir et des responsabilités qui allaient avec.

Cette semaine, j'ai pu aussi me connecter avec mes tribus de coeur, notamment en célébrant les 10 ans de l'élection du bureau des élèves dont je faisais partie, dans mon école de commerce. Ce qui est plutôt rassurant, c'est qu'on a quand même pas mal changé en 10 ans...
J'ai aussi eu un appel avec mon groupe affinitaire au sein de Extinction Rebellion France, une discussion pleine d'émotions qui nous a permis de partager nos frustrations liées à la vie dans un mouvement citoyen bordélique...héhé
J'ai aussi eu l'occasion de partager avec un ami activiste au sein d'Extinction Rebellion sur mon choix de partir vivre au vert, de notre choix de région et de la vision derrière notre projet ici. Lui aussi réfléchit à quitter son travail et à rejoindre les campagnes françaises pour y mener de nouveaux projets, plus proches de la terre, une vie plus simple.

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Mes apprentissages cette semaine :
- Avec deux amies rebelles nous avons lancé un groupe de travail sur les stratégies de massification des mouvements au sein d'XR, j'y ai appris l'importance d'honorer les activistes qui ont tracé ces chemins avant nous mais également de créer une culture de la victoire au sein des luttes sociales et surtout environnementales
- L'importance de garder dans sa vie celles et ceux qui nous ont vu grandir et qui peuvent nous rappeler le chemin que nous avons parcouru
- De l'atelier "conscious use of power", j'ai appris que plus vous subissiez des discriminations et oppressions liées à votre genre, race, orientation sexuelle ou autre, plus il était difficile pour vous de vous créer une identité au delà de ces "attributs" auxquels la société vous ramène en permanence
- L'expérience d'un stress traumatique lors d'une génération a un impact sur les 4 générations qui suivent
- La profondeur des relations entre les gens au sein d'un mouvement citoyen et la mise en place de groupes affinitaires est essentielle au bon développement de ce mouvement
"We have lived through a good half century of individualistic linear organizing (led by charismatic individuals or budget-building institutions), which intends to reform or revolutionize society, but falls back into modeling the oppressive tendencies against which we claim to be pushing"
Adrienne Maree Brown, Emergent Strategy