Cette semaine, je me suis posée beaucoup de questions sur comment nous pouvions avancer d'un point de vue stratégique pour transformer de manière encore plus radicale la société dans laquelle nous vivons, plus rapidement, plus joyeusement.
Je me suis rendue compte que je n'avais pas encore assez intégré une stratégie de la gagne! J'ai encore parfois tendance à mener mes actions militantes en me disant que l'important c'est d'agir. C'est aussi pour moi un moyen de gérer l'angoisse. Plus j'avance et plus je développe ma résilience intérieure, plus j'arrive à passer au delà de l'action qui me fait me sentir utile et à me questionner plus profondément sur quelque chose de vraiment important: comment-est-ce qu'on gagne?
Photo credit : Caroline Delboy
Il me semble que nous sommes une majorité de citoyennes et de citoyens à vouloir un monde plus juste, plus libre, plus durable et plus égalitaire. Mais, parce que notre cause nous paraît juste, nous pensons qu'il suffit de le demander pour que ce monde advienne. Et je crois bien que nous ne passons pas assez de temps à nous poser la question de la stratégie et la compréhension de l'adversaire, de ses piliers de pouvoir, de ses atouts mais aussi de ses faiblesses.
Sur ce thème, plusieurs personnes et contenus m'ont inspiré cette semaine:
- Le livre que je dévore depuis un mois : The end of protest de Micah White
- Le documentaire d'Arte "A nous d'agir" où on peut y voir les incroyables Mathilde Imer, Priscilla Ludosky et Assa Traoré nous parler d'activisme, de racisme et de révolutions ;)
- Les livres et interventions de Jane McAlevey, que je découvre à peine, et qui a beaucoup écrit sur l'organisation de la lutte et les syndicats américains
Cette semaine, nous nous sommes retrouvées avec deux ami.e.s freelance pour travailler sur un produit que nous souhaitons développer ensemble pour pousser les transformations que nous voulons voir dans les collectifs et organisations. Notre offre n'est pas encore bouclée mais nous avons à coeur de:
- Aider les collectifs et coalitions d'acteurs d'un secteur à naviguer la complexité, mieux comprendre leur place dans un écosystème, les tenants et aboutissants, les polarités présentes, les boucles de rétro-action et les frictions
- Produire des recommandations stratégiques et outiller ces collectifs afin qu'ils puissent utiliser les informations précédentes pour porter le plus efficacement possible les transformations nécessaires
- Faire tout cela prenant soin des gens et des processus pour soutenir les collectifs dans leur transformation sans en épuiser ses membres
Avec le programme Sagesses de la terre, j'ai eu de très belles expériences cette semaine. Avec la promo #1, j'ai eu deux séances individuelles pour pouvoir accompagner les participantes sur des problématiques plus personnelles et leur créer des outils sur mesure. J'ai réalisé ce soir que je me sentais très chanceuse de pouvoir être témoin de la transformation d'autres personnes et de les accompagner à ma façon, comme d'autres m'ont accompagné.
J'ai aussi pu rencontrer de potentielles futures membres de la promo #2 du programme lors du Q&A - Sagesses de la terre qui avait lieu mardi soir. On a médité et dansé ensemble et ça fait vachement de bien dans ce moment de confinement. Je suis pressée de découvrir celles et ceux qui participeront au Q&A du 14 décembre.
Mardi, j'ai eu la chance de pouvoir présenter le travail du groupe "culture régénératrice" en France devant le Global Support : un groupe de représentant des groupes "culture régénératrice" dans les différents pays où Extinction Rebellion s'est développé. C'était intéressant de réaliser que nous avons beaucoup de défis communs, qui ne sont malheureusement pas spécifiques à nos pays. L'une des conclusions à laquelle je suis arrivée à la fin de cet appel est que la société dans laquelle nous sommes n'est pas encore mûre pour faire naître un mouvement social qui aurait en son coeur la culture régénératrice. Nous sommes trop blessé.e.s, nous sommes trop traumatisé.e.s, nous sommes trop tristes et en colère. La culture régénératrice, malheureusement, reste pour l'instant un "nice to have", ce truc en plus qui permet à notre activisme d'être durable, mais qui ne remet pas encore complètement en question les paradigmes mêmes sur lesquels reposent nos mouvements militants.
Enfin, cette semaine, j'ai aussi appelé mes députés pour leur parler de mes inquiétudes par rapport à la loi dite de "sécurité globale". Je doute sincèrement de l'impact de cette action et m'inquiète de plus en plus de la direction que prend notre pays. Tout en réalisant que c'est malheureusement commun de voir nos pires comportements ressortir aux moments où nous nous sentons le moins en sécurité, où nous traversons les pires crises...
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Mes apprentissages cette semaine :
- La montée de l'engagement politique des jeunes est un phénomène qui se retrouve dans plusieurs pays d'Europe et qui alimente les mouvements progressistes mais aussi les mouvements conservateurs, comme en Pologne
- Le pouvoir d'une bande dessinée pour créer de l'émotion et déconstruire de fausses croyances et des peurs liées à ce qu'on ne connait pas est incroyable, je vous conseille la BD Ce n'est pas toi que j'attendais, de Fabien Toulmé
- 3 apprentissages de Jane McAlevey pour gagner une bataille sociale: Comprendre qui sont les personnes qui ont le respect de leur pairs, même s'ils ne sont pas de votre côté/ Comprendre ce qui les importe et qu'ils ne peuvent pas mener seuls/ On ne peut pas éviter les conversations difficiles avec nos collègues et nos voisins si l'on veut changer les choses
- Un système qui ne parvient plus à tenir en place par sa légitimité, va devoir tenir en place par l'autorité et la force...
"Do not confuse shallow mobilizing with deep organizing"
Jane McAlevey